SCULPTEUR SENSIBLE

Olivier Ledoux sculpte le bois. Il a ceci de particulier, il en décèle les mémoires enfouies, celles d’événements venant d’autres vies dans d’autres temps. Sur les troncs d’arbre qui lui sont livrés, sous ses coups précis de burins et maillets, naissent des passerelles que le vent fait chanter, des trônes vibrants, des fauteuils utérus, des berceaux cathédrale… Récemment, pour le maître sculpteur, on a ramené un vieux chêne dans son atelier. L’arbre, sous son écorce, a imprimé dans sa chair le visage d’un mort que l’on a enterré il y a fort longtemps sous ses racines Sous la gouge du sculpteur, surgit alors le visage oublié de cet ancêtre qui a été absorbé par le roi de la forêt.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, l'artiste Ledoux est arrivé à sculpter l’akashique, bibliothèque invisible gardant en mémoire tout ce qui a été. Certains ont le pouvoir de s'y rendre pour y consulter des archives millénaires afin d'en retirer des informations essentielles à offrir à l'humanité toute entière. Je songe à Daniel Meurois, l’écrivain québécois qui a écrit de nombreux livres, notamment, « La vie secrète de Jeshua », inspiré par ces voyages en cet espace sacré, l'Akasha, totalement inaccessible pour le profane. Olivier Ledoux sait que notre planète la Terre n’oublie rien, et que les arbres en sont les « disques durs ». Olivier, intuitivement, sait ouvrir ces disques durs, il voit ces empreintes partout imprégnant le bois qui, avec le temps, les a pétrifiées. Les arbres ont souvent accompagné nos guerres, ils ont ombragé les mourants, bu leur dernier souffle, bercé leur trépas. Les arbres ont aussi été les témoins silencieux de nos amours secrets, dissimulés sous branches et buissons... L'impassible végétal a mémorisé les gémissements de ces folles étreintes. Entends comme ils résonnent encore dans ce tronc de Cèdre que tout cela a davantage érigé vers le ciel. Et voilà que ces ébats clandestins jaillissent de ce bois centenaire qui se souvient. Oui, l’arbre se souvient et ne ment pas. Des nervures des branches, apparaissent tour à tour, un sein, une main, un sexe d’homme tendu, une yoni ouverte, des jambes interminables et des visages, toujours des visages… De jouissance, l’un jubile, l’autre pleure d’extase… On contourne la sculpture, derrière, voici un démon étreint par un ange étonné. Plus haut, un ventre qui présage un enfant, à côté, un œil qui veille, plus loin une gargouille qui sommeille et l'éternel dragon qui entoure une sphère…

Les sculptures d’Olivier Ledoux ne se regardent pas, elles s’étreignent avec les yeux, yeux qu’il faut laisser aller lascivement le long des troncs jaunes et orangés visités par les outils de l’artiste. Ses sculptures s’écoutent aussi, pour entendre les histoires que nous racontent ce cèdre, ce chêne, ce merisier, ce poirier… Ces arbres nous parlent des dialogues enchantés qui traversent les âges, c'est toujours la même légende, celle de l'amour qui est là, qui s'en va avec des pleurs et revient avec des fleurs. Olivier Ledoux prend son fermoir néron, d'un pécher, il entrouvre la cible au cœur, le bois ouvert, écoute-le nous raconter l'étreinte oubliée d'Ève la déesse avec le serpent. Vois ! La S'Ève coule de ce mystère... La sève se mêlant à la sueur de l'artiste, l'œuvre remplit d'espérance nos calices intérieurs asséchés...

Le bois porte aussi en lui des mémoires de signes, le sculpteur en fait ressortir les symboles, certains nous sont connus, d’autres semblent venir d’ailleurs. Ce sont assurément des messages provenant de visiteurs d’autres mondes, peut-être ceux de l’intra-terre, les Agarthiens ou extra-terrestre ? Allez savoir… Assurément, ces signes sont des clés nous ouvrant des passages menant à d'autres univers. Certains signes sont des repères sur le chemin labyrinthique de la vie, menant à l’éveil. Ces symboles nous parlent tous de l’union des polarités, des ténèbres et de la lumière, du féminin et du masculin. Yoni et vajra s’épousent, mêlant l’odeur de semence, de cyprine et de sève. L'Esprit et la chair se rapprochent dans des épousailles hiérogamiques. L'un et l'autre répondant aux mêmes rituels, obéissant au même processus, tout nous indique que ces mondes sont fractals… Deux serpents montent en hélice vers une oreille. Le sculpteur nous interrogerait-il ? Et puis, finalement est-ce vraiment lui qui nous interroge ? Ou ne serait-ce pas plutôt ce noyer ? Il semblerait que tout s'épouse, bien, mal, dissonance, harmonie, le rouge et le noir... Oui tout s'entremêle, comme des brins d'ADN, véritable Kundalini vibrante, ADN ou Adonaï, le portail de Dieu.

Connaître Olivier Ledoux n’est pas rien, c'est un privilège, car c'est un personnage. C'est un vivant et comme tous les vivants, son âme s'est usée à taquiner la Muse, mais n'est-ce pas le prix à payer pour s'âme user ?

Quand tu es en compagnie de cet homme hors norme et que tu parles avec lui, sache qu'il ne te regarde pas, il t'ausculpte. C’est plus fort que lui, c'est dans son ADN de nous caresser des yeux, comme il caresse et apprécie les formes d'un arbre. L’artiste, dans sa présence, par son verbe et son regard, il sculpte tout... Sa vie, ses rencontres, ses amours… Et lui-même...

Marc Vella

Par MARC VELLA, pianiste nomade

Une démarche vers le nous.

Depuis toujours ma démarche artistique est le chantier collectif c'est dès le départ de ma vocation ce vers où mes mains m'ont guidé dès les premiers gestes.

J'ai d'abord étudié le métier de jardinier paysagiste pour créer des espaces pour les gens puis j'ai découvert la création de bâton de marche pour les gens et par cela s'est révélé une action créatrice devant les gens dans la rue avec un engagement révélateur pour ouvrir les cœurs. Le fait d'enseigner et de partager le cadeau qui m'a pris par le cœur fait partie intégrante de ma révélation. Il est inconcevable pour moi de ne pas transmettre de ne pas écouter et de ne pas inviter mes condisciples à la révélation personnelle par l'action collective.

J'ai dès le départ eu des intuitions dans ce sens.

D'où me vient cette idée de bander les yeux des gens de leur faire toucher le tronc du bout des doigts pendant un moment jusqu'à une certaine lassitude, de les emmener ensuite un par un vers la table pour y dessiner toujours les yeux bandés ce qu'ils ont ressenti ?

Je ne sais c'est une intuition pédagogique que j'ai eu un jour pour que chacun se révèle dans la pureté de son esprit sans la corruption du regard qui cherche toujours à maquiller son émotion et qui plutôt que de dessiner la vérité cherche toujours à plaire.

Je suis fils de dentistes obsédés de soins, mes parents en parlaient tous les jours tous les deux devant nous les enfants, je suis dans l'atavisme.

Depuis toujours je partage ce qui m'est offert et ce don de transformation m'est pour ainsi dire tomber du ciel donc je me dois tout naturellement de le partager.

De par mon asthme mon père m'a invité à devenir jardinier il pensait qu'un travail au grand air serait des plus bénéfiques à ma construction personnelle. Au sortir de mes études ne réussissant pas à m'intégrer à une entreprise j'ai pris la route avec quelques outils de jardinier et au fil du chemin je rendais de menu service de saisonnier jusqu'à arriver à Genève où les circonstances de la vie m'ont mené sur les bancs d'une école de théâtre où je passais 2 ans à me préparer et c'est là que je reçus la révélation de la sculpture en public et avec le public par des péripéties de la création qu'il faudrait un roman pour résumer.

J'ai appris entre autres la confection de tambour pour rythmer le geste créateur pour soutenir le souffle des rameurs. Pour que s'abandonne l'unique au profit du multiples. J'ai appris à me faire entendre sans avoir à forcer la voix.

J'ai appris à entendre le rythme de chaque individu séparément au sein du groupe pour guider son geste en chef d'orchestre empathique.

Que ton rythme te révèle au plus profond de ta fibre j'ai appris à lire cela du cœur au cœur.

J'ai appris tout cela par inadvertance dans la joie de la découverte et quand je me suis mis à l'action, je savais que je savais sans pour autant comprendre d'où me venait cette capacité comme quand j'ai démarré la sculpture dans les premiers jours je regardais mes mains travailler.

J'ai toujours cru que mon cerveau avait de multiples capacités au-delà de ma simple vie qu'il suffisait de révéler par la mise en situation ; tel des miroirs touchés par la lumière se révélant dans l'extase de la connaissance.

Oh bien sûr j'ai souvent frôlé les portes de la folie, la création m'a été thérapie.

Il en est ainsi pour tout artiste nous nous devons tous de dompter l'hydre bicéphale.

Il y a bien des fois où je ne savais compter le nombre d'esprits qui généraient mes pensées...

Je suis un symposium.

Je me suis souvent dit que ceux que l'on nomme " fou " sont des individus qui n'ont pas trouvé leur chemin créatif et que l'hydre en eux tourne en courant après le bout de sa queue.

C'est pourquoi dans ce jeu miroir avec le bois je propose une action salvatrice d'autocréation par le modelage de la matière par le fait de trancher dans le vif par l'ablation qui révèle.

Son carbone représente nos origines et c'est creuser dans le terreau de notre création première qui peut sauver nos âmes de l'adversité.

Notre seule planche de salut est la multiplicité, le partage vibratoire, la mise en écho de nos cellules carbonées dans un même fil conducteur. Nous sommes les torons d'une longue spirale qui représente le temps et le bois et nos corps ne sont qu'une même fibre qui s'appelle la Vie.

Le" nous " est le chemin.

Il n'y a pas si longtemps dans le temps que l'individu se permet de dire :" moi je" l'interdépendance générationnelle, le chantier collectif de la vie a toujours été le verbe créateur de nos sociétés.

Depuis la nuit des temps. C'est l'air capitaliste qui nous a extrait de la gangue par souci de profit et de manipulation et en jardinier je ne cesse de remettre en bon ordre les graines en leur substrat.

J'érige depuis 40 ans des colonnes qui relient nos esprits. Tel des ponts existentiels entre la terre et le ciel mes deux bras tendus à l'horizontale liant mon père et ma mère.

Vivant quotidiennement un écartèlement existentiel qui m'étouffe et me révèle, c'est par le "nous" que je trouve mon sens tant mon prénom dans le dictionnaire des symboles signifie :

"celui qui règle les problématiques intergénérationnelles"

Je suis la résultante d'une intuition parentale guidée par la nature des choses.

" L'appel de la vie à elle-même "

Selon Khallil Gibran

Car comme dit le proverbe :

" bon sang ne saurait mentir".

Je suis le jardinier du Christ, le porteur de soleil.

Olivier LEDOUX

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